#11 - Voyager à vélo en Asie centrale. Voir un ours et un Lynx en Croatie, L'avenue verte entre Paris et londres.
L'essentiel du Gravel et du Bikepacking - 7 janvier 2021
2021 est enfin ici !
Je profite de ce moment pour vous adresser mes voeux de bonheur pour cette année qui débute, pour vous ainsi que vos proches
En 2021, mon objectif reste le même : vous apporter des contenus utiles, pour vous aider à vivre à fond votre passion du vélo.
Pour cela, j’ai besoin de savoir qui vous êtes, pour être au plus proches de vous. Merci de prendre 3 minutes pour répondre à ce questionnaire.
Ecouter
Dans cet épisode, je reviens au voyage à vélo, pur et dur. Grâce à Claire et Antoine, je vous emmène aux confins de l’Asie Centrale et un peu en Afrique de l’est. Vous découvrirez comment ce couple a préparé son périple et choisi le matériel avec soin. Vous découvrirez également que le voyage s’accompagne parfois de désagréments et de grosses frayeurs.
Lire
L’OURS EN MOI
Photos et texte : Vincent Riboul
« Le Temps des rêves, nos mémoires viennent de la terre et retournent à la terre… Dans cette réunion nos battements viennent du ciel et retournent vers le ciel, reflets d’anciens rayons de soleil…
Le cordon ombilical
“A l’intérieur de la conscience humaine : le temps du rêve, un endroit pour « être », à l’extérieur et à l’intérieur de nous, où nous pouvons dévoiler ce qui est caché et parler directement à la mémoire des ancêtres. Librement sans jugements, répondant aux questions et aux sensations. Ces impulsions, battements, pouls, mémoires prenant vie... Nous sommes une partie de cela, nous sommes cette respiration”
John Trudell
Il y a de ces moments magiques dans la vie, de ces moments très brefs qui échappent à toute planification et qui vous prennent par surprise, débordants de beauté, qui font pleurer quand ils sont passés. Ce sont des échanges non-verbaux avec des « êtres non humains » qui font s’envoler les papillons du cœur, vous font rentrer sans prévenir dans un monde connu ancien, familier et pourtant perdu. Ce temps des rêves où nous, humains, pouvions communiquer avec nos frères animaux sauvages. Ce sont des espaces-temps qui révèlent cela, qui montrent de façon éclatante que la magie de ce monde est encore possible, malgré les destructions, l’abomination de nos sociétés industrielles. Des moments de pure joie ou le cœur désire sortir de votre poitrine, qui vous émeuvent à un tel point que le bonheur est presque difficilement soutenable tant il vous submerge.
Se faire submerger de bonheur par surprise ! Ce sont tout simplement des cadeaux que la vie sait offrir malgré toutes les difficultés que l’on rencontre sur le chemin. Ils sont comme des jalons qui vous poussent à continuer à vivre. Une seule minute, quelques secondes de cette magie justifient tous les efforts effectués pour arriver à ces instants précis. Ils ne sont pas recherchés et sont la spontanéité même. Ils insufflent de la vie en vous et créent des images à jamais indélébiles dans votre mémoire que vous pouvez faire resurgir à l’envie. Ils sont les histoires magiques à partager et à transmettre.
La journée avait été parfaite, ne pouvait pas être plus parfaite que cela.
La veille pourtant, en fin de journée, dans ces instants de convivialité que sont le partage de discussions autour d’une glace, j’avais posé la question à ce groupe de cyclistes allemands voyageurs comme moi de ce qu’ils pensaient de la qualité des routes croates.
Ils m’avaient répondu avec un certain dédain et un faux air expérimenté qu’il y avait définitivement trop de trafic sur la plupart des routes et que ce n’était pas plaisant de voyager en Croatie.
Aussi, ce fameux matin-là, lorsque je donnais les premiers coups de pédales de la journée, je fus fort surpris : le ciel avait été lavé par un puissant orage la nuit précédente et la luminosité du matin n’éclairait que des routes certes un peu cabossées mais sans trafic et avec un paysage somptueux : lacets dans une forêt de bouleaux parsemés d’effondrement karstique dans le sous-bois, suivis par des lacs et des rivières qui semblaient venir tout droit des tous premiers matins du monde. Il n’y eu pas un seul moment de laideur sur la route. Tous les paysages furent splendides et extrêmement diversifiés, au lacs se succédèrent de hauts plateaux et des prairies me faisant penser à celles si chéries du Dakota du sud, c’est tout juste si je ne voyais pas des troupeaux de bisons. J’avançai tout doucement sans le savoir encore vers la montagne et « la rencontre ».
Arrivant à Krasno au pieds des montagnes Vellebit, j’appris lors de mon passage dans la « maison du parc » l’existence d’un puissant vent croate « la bora » créée par cette montagne faisant comme un mur naturel entre les terres et la mer adriatique toute proche. Je lus aussi que vivaient plus de 3 000 ours sauvages dans les Balkans. Je ne m’attendais pas à ce chiffre.
Peut-être 45 mn plus tard m’échinant, soufflant comme un bœuf et montant patiemment avec opiniâtreté une pente entourée de vastes et profondes forêts, j’entendis un fort halètement qui répondait un peu comme en écho à mon propre halètement mais avec une sonorité bien plus profonde et accompagné de bris de branches et de feuillages froissés. Je m’arrêtais, posais pied à terre : un grand Ours Brun se dressait devant moi à dix mètres à peine. Ses yeux, son attitude, son regard, sa tête si massive, la force primitive qui se dégageait de lui ! Sa haute stature ! Je ne vis que le haut de l’animal, avec ses bras puissants et ses griffes : j’eu peur ! Je compris instinctivement le danger que cette rencontre peut représenter. Il fut surpris lui aussi et comme moi il s’enfuit, retournant bien vite sous les frondaisons d’hêtres anciens. Je jubilais.
Plus tard, savourant ma chance, des éclairs jaillissaient de toutes parts et aucune pluie ne tombait si ce n’est quelques gouttes. Les moments magiques continuaient, de plus à l’adrénaline toute récente s’ajoutait l’endorphine des fins de journées de vélo, lorsqu’on s’approche des 120 km et que le corps envoie la récompense. Pour le dire plus prosaïquement, j’étais shooté au bonheur !
Je m’arrêtais à un col pour savourer le paysage en camaïeu de montagnes se dessinant dans une succession de lignes infinies avec une variation de couleurs sombres et violettes parsemées de nuages blancs et gris : aucune trace humaine en vue. J’évoluais dans le tableau d’un peintre de génie et j’étais le seul à en jouir, ce qui rendait les choses encore plus délectables. Plus tard, la fatigue et la faim m’amenèrent dans une clairière entourée de grands conifères. Quelques cabanes éparses… et l’une d’entre elle m’offrit un logement vraiment agréable. Je partageai mon exaltation récente avec un jeune couple de Zagreb venu s’ensauvager pour un week-end dans ces lieux.
4 mois plus tôt au jour près : une autre rencontre tout aussi magique.
Avril 2020. Période de confinement due à la pandémie de Covid19. Situation très spéciale, les routes sont vides. Pendant 3 jours, je prends le risque de partir à vélo. Je n’en pouvais plus, mes jambes me démangeaient. L’urgence de bouger, la nécessité de désobéir. Je campe à la sauvage, me cache dans les forêts, fume la pipe comme les trappeurs, me baigne dans les rivières glacés, et fais un tout petit feu pour la nourriture du soir. Faire un feu, marcher pieds nus sur la terre sacrée, des gestes simples pour revenir, pour se relier, pour se retrouver. Je me rends compte de l’incongruité de la situation. Ce silence, cette absence humaine. Tout le monde sommé de rester confiné, et moi tout seul à pédaler en ce début de printemps sur les plateaux jurassiens. Je suis sur le chemin du retour, sentant cette peur humaine des pandémies, que l’on ressent dans ce silence retrouvé et qui transpire dans chaque village désert traversé.
Quelques kilomètres avant la grande descente qui plonge sur la petite ville d’Ornans, et la vallée de la loue, je vois 2 animaux de la taille d’un chevreuil s’accroupir dans un pré. En mon for intérieur, je sais par expérience pour l’avoir déjà vu à maintes reprises que des chevreuils prennent la fuite lorsqu’ils voient un humain. Je ne connais aucun animal sauvage qui s’accroupisse.
« Un chat, il ne peut s’agir que d’un gros chat » me dis-je … en m’approchant. Je vois qu’ils se sont camouflés sous la forme de gros rochers bruns. En m’approchant encore un peu plus, je vois le premier rocher se redresser : Un Lynx !!!
Comme l’Ours, il me jauge, me regarde droit dans les yeux et lit mon âme, et je lis la sienne. Il prend son temps et décide de marcher calmement. Il m’offre son flanc, je peux à loisir voir son pelage ponctué de tâches, les petits aigrettes sur le dessus des oreilles si charmantes ; les longues pattes et la hauteur du corps me surprenne : le Lynx est plus proche de la panthère que du chat. Aucune peur en lui, comme il est beau !
Il est curieux, je suis juste fasciné et pétrifié devant la splendeur, la beauté qui se dégage de lui. Il marche ensuite tout doucement dans le pré en s’éloignant sans peur ni précipitation.
L’autre « rocher » que j’avais oublié, tant j’étais fasciné par la scène, fait de même et rejoint son compagnon.
Les deux animaux s’assoient l’un en face de l’autre, se regardent puis dans un mouvement parfaitement synchronisé tournent leurs têtes vers moi. C’est ce temps entre « Chien et loup » maintenant la nuit tombe vite. Les 2 animaux disparaissent dans le noir. Mon cœur bat vite... J’entame la descente.
La grande biche surgissant d’un bois qui a failli me rentrer dedans car elle ne me m’avait point vu.
La petite vipère chassant avec empressement une grenouille des forêts bien trop grande pour son estomac.
Les coyotes d’Arizona communiquant tous ensemble par petits groupes éloignés et s’arrêtant tous ensemble de chanter instantanément. Comment font-ils ?
La prolifération de vie marine de l’autre grande barrière de corail en nouvelle Calédonie lors d’une plongée exceptionnelle. Ces requins des lagons multitude venant des profondeurs venus observer les intrus humains.
L’affut à un aspect un petit peu voyeur. Ne trouvez-vous pas ? On attend des heures pour observer la vie animale sans être vu. Je préfère de loin ces rencontres fortuites. Ces cadeaux que la vie m’a offerts si généreusement pour que je puisse m’émerveiller. L’émerveillement participe à l’éveil spirituel, j’en ai l’intime conviction.
“Alors il vit L’ours. Il ne surgit pas : il fut là , simplement, immobile, figé, parmi l’immobilité verte et mouchetée du brûlant midi, pas aussi gros qu’il l’avait vu dans ses rêves, mais autant qu’il s’y était attendu, plus gros, démesuré, sur fond obscur et moucheté, le regardant.”
William Faulkner
« Ne te laisse pas distraire par le vacarme des hommes, par leur quête insatisfaite, désordonnée. Ils sont comme l’animal emprisonné dans l’enclos, qui tourne sans comprendre et cherche une issue qui n’existe pas. »
Citation amérindienne , auteur inconnu.
Rouler
Avenue verte London-Paris
L’avenue verte London-Paris est la dénomination d'une voie cyclable internationale qui relie Londres à Paris, par un itinéraire long de 470 km.
Le parcours de cette véloroute en France comprend une majorité de routes à faible trafic et plusieurs voies vertes, les plus importantes étant celle du Pays de Bray (45 km) et celle de la vallée de l’Epte (17 km de Bray-et-Lû à Gisors). Après une traversée par ferry de Dieppe à Newhaven, le parcours se déroule en Angleterre jusqu’à Londres sur le réseau national de véloroutes réalisé par l’organisation britannique Sustrans.
Depuis juin 2012, un itinéraire cyclable permet de relier Paris et Londres à vélo via la liaison ferry Transmanche Dieppe - Newhaven. Ce parcours de légende vous propose deux variantes pour rejoindre Londres au départ de Paris, l'une en passant par les bords de l’Oise (472 km) ou l'autre en longeant la vallée de l’Epte (406 km).
Côté français, l'itinéraire suit une partie de la vallée de la Seine qui a inspiré les peintres impressionnistes, traverse une nature préservée dans le Parc naturel régional du Vexin français. C'est aussi une plongée dans l'histoire avec la découverte de manoirs, châteaux et abbayes des vallées de l’Epte ou de l’Oise. En Angleterre, vous roulerez dans le South Country chanté par les poètes avant de rejoindre le tumulte londonien et la Tamise. L’itinéraire emprunte parfois des portions provisoires décrites en détail sur les étapes.
Partager
À la semaine prochaine pour une nouvelle newsletter avec un épisode de podcast, une idée de parcours (ou une épreuve), et un récit !