#8-2 - de Alicante à Gérone en Bikepacking - suite et fin. Récit audio sur la Munga 1000 par Gregor Von Medeazza
L'essentiel du Gravel et du Bikepacking - 15 décembre 2020
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Je vous avais parlé la semaine dernière de la Munga 1000, une épreuve bikepacking de 1000Km à travers la Namibie. J’ai partagé la préparation de Gregor dans la newsletter #7. Et bien là, voici le carnet de audio de Gregor durant l’épreuve. Comme vous l’allez l’entendre, ça s’est plutôt bien passé, à part quelques soucis « downstairs », à l’étage inférieur, ce qui signifie qu’il avait le cul en feu !
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Le GR7 entre Alicante et Gérone, suite et fin.
Texte et photos : Paul Galea
Jour 3
Une bonne nuit et surtout une douche chaude plus tard et nous voilà repartis pour cette troisième journée. On fait le plein de victuailles au supermarché du coin car on ne devrait pas rencontrer de villages de la journée.
Petit tour aussi chez un marchand de cycles-mobylettes-motoculteurs-tronçonneuses pour acheter deux chambres à air et c'est parti.
Le temps n'est pas très clément, la pluie fera son apparition deux heures après notre départ et les températures sont dignes d'un mois de novembre en Belgique!
Le terrain, roulant au début, se transforme assez vite en sentier caillouteux mais agréable. On ne parle pas beaucoup, la fatigue commence un peu à se faire sentir et surtout on est tous les deux désabusés de cette météo pourrie!
Vers midi, on affronte des bourrasques de vent qui nous cinglent le visage avec de la neige!! La température n'excède pas 2-3°c. On est gelé et la vue d'une sorte de maison de chasseurs sur le côté nous soulage un peu! Comble de chance, elle n'est pas fermée à clefs et va nous permettre de nous mettre à l'abri du vent le temps de manger un morceau.
Malgré le fait que l'on soit à l'abri, je n'arrive pas à me réchauffer, il y a des courants d'air partout!! Dehors le vent forci, les bourrasques de pluie et de neige rendent la visibilité réduite. Que du bonheur!
Le départ est douloureux mais assez vite les conditions climatiques se calment et on retrouve le sourire.
La suite est encore splendide au niveau du panorama et des sentiers: du beau single montant ou descendant, parfait pour mon gravel (bon, deux dents de plus derrières m'auraient bien aidé!).
Le Gr nous mène maintenant dans un village où nous cherchons vainement de quoi manger: il est 17h00 et les commerces ne rouvrent qu’à 18h00... Se pose maintenant la question de quoi faire. Il est trop tôt pour s'arrêter mais si on continue, il n'y a plus rien!
On décide quand même de prendre le risque, ce sera toujours quelques kilomètres de gagnés pour la suite.
Une belle piste s'offre à nous dès la sortie du village mais pour moi elle va vite se transformer en cauchemard: une boue collante m'empêche de progresser. Impossible de rouler, de pousser le vélo et presque de marcher! Le vélo est complètement pris dans la boue, mes chaussures également.
Je dois me résigner à porter le vélo pendant quelques centaines de mètres.
La libération vendra d'un sentier qui nous fera quitter cette maudite piste!
Les kilomètres et le temps défilent via ce beau sentier qui nous fait oublier qu'il va falloir penser à savoir où on va dormir.
Il est 19h00 et la pluie qui s'était calmée reprend de plus belle, poussée par un vent toujours bien présent.
On décide de tracer vers un petit village, on trouvera de quoi s'abriter.
La pluie laisse maintenant place à la neige et c'est transis de froid qu'on s'engouffre dans le seul lieu vivant d'un gros hameau. Je ne pourrais pas appeler ça village puisqu'il n'y a qu'une rue et un bar.
Je grelotte littéralement et à notre demande de savoir où est-ce que l'on pourrait passer la nuit, on nous fait comprendre que nous ne sommes pas les bienvenus ici.
Là, j'avoue, je suis au fond du trou: il est plus de 20h00, on ne sait pas où on va dormir, il fait même pas deux degrés dehors, il neige et le vent nous transperce.
Il y a un village un peu plus gros à deux kilomètres, c'est notre dernière chance de survie!
Le village est beaucoup plus accueillant; il y a une sorte de bar-resto-salle des fêtes encore ouvert, hourra!!
Je demande dans un espagnol approximatif s'il existe une solution d'hébergement et la personne me propose d'ouvrir une salle pour que nous puissions y passer la nuit. La pression descend d'un coup mais je reste congelé et tremble encore de froid.
Comme un miracle n'arrive jamais seul, une dame nous propose de venir manger chez elle (je pense qu'elle a eu pitié de moi!).
C'est donc chez un couple de retraités que nous sommes accueillis pour manger. On a même eu droit à une douche chaude, comble du luxe!!
De plus, ils nous annoncent qu'ils ont une autre maison à 50 m de là et qu'ils vont nous la prêter pour la nuit!! Inespéré ne serait-ce qu'il y a une demi heure!
Je crois que c'est la meilleure soirée que j'ai passé depuis le début du trip. Soirée qui était à deux doigts de se transformer en cauchemard...
Apéritif, vin du pays, plat local, tisane faite de plantes récoltées par nos hôtes, liqueur faite par eux même également, on a été gâté, c'est peu de le dire! Je leur serais je crois éternellement reconnaissant!
Jour 4
Une bonne nuit de sommeil plus tard, on récupère les vélos laissés dans la salle communale et on se prépare, cette fois avec une météo plus engageante que la veille : il fait encore frais mais le vent s’est calmé et le mélange pluie-neige de la veille a laissé place au soleil.
Je claque la porte de la maison en partant, comme ils nous ont demandé de le faire la veille puisqu’ils devaient partir tôt ce matin et me voilà dehors en voyant trouble…. Merde ! Mes lunettes ! Oubliées à l’intérieur…. Et comment je fais maintenant ? Ils sont partis et on n’a pas les clefs !
A tout hasard je sonne chez eux et personne. Deuxième coup de sonnerie et là miracle, leur fils m’ouvre encore en pyjama ! Visiblement il dormait bien et je l’ai réveillé. J’ai failli lui sauter au cou tellement j’étais soulagé !!
Petit check-up du matériel : les vélos sont vraiment dans un sale état. Le mélange boue-cailloux abrasifs a eu raison de mes plaquettes, ma chaîne est toute rouillée et les vitesses ne passent plus très bien. Sans parler de l’état de saleté global de toutes nos affaires…
En repartant, on s’aperçoit que les sommets autour de nous sont tous enneigés ! Ils ne sont pourtant pas très hauts, à peine aux alentours de 1000m. Bien contents d’avoir passé la nuit au chaud.
La suite est un sentier montant dans lequel on alterne pédalage et poussage, la fatigue des jours précédents commençant à se faire sentir. Un balisage nous fait penser qu’un trail a dû passer par là récemment.
On enchaîne avec une remontée de rivière assez difficile puisqu’on ne peut plus rouler : on doit pousser et carrément escalader des rochers !
Décidemment, ce GR ne nous aura pas épargné !
Heureusement ça ne dure pas et un sentier sympa servira de transition avec une large piste roulante.
Je n’ai plus de frein avant depuis un moment et maintenant c’est le frein arrière qui donne des faiblesses.
Arrivé sur une route, je décide de tracer jusqu’à Segobe , une ville où je pourrais trouver un magasin pour faire changer mes plaquettes. Je laisse Maxime poursuivre le Gr. Il est convenu qu’on se retrouve en début d’après-midi pour poursuivre ensemble cette dernière journée.
25 kilomètres plus loin et un peu de jardinage dans la ville, je trouve un magasin qui a les plaquettes en stock et qui me les monte dans la foulée. J’en profite pour ramener deux paires à Maxime car les siennes aussi commencent à fatiguer.
Retour contre le vent et je retrouve Maxime pour un pique-nique bienvenu.
On continue par de belles pistes qui nous font passer par de petits cols qui sont à la longue usants physiquement.
En cadeau on arrive sur un single balisé VTT de toute beauté. Non seulement il est ludique et technique mais il est tellement beau avec encore une fois un panorama à couper le souffle, que nous ne comptons pas les arrêts pour admirer la vue !
Je l’ai adoré celui-là ! Un peu tendu par moments en gravel (il ne faut pas trop relâcher l’attention sous peine de vite partir à la faute) mais terriblement intéressant.
L’arrivée s’effectue au village de Montanejos qui sera le terme pour ma part de cette épopée fantastique sur le Gr7.
On décide de passer la nuit ici.
Maxime n’est pas serein avec son pneu réparé et se met en quête d’un nouveau pneu. Déjà, il n’y a pas de magasin ici mais en plus il est en 27,5+, format qui ne court pas les rues.
Mais comme il y a une base VTT, il doit y avoir des pratiquants dans le coin. C’est la qu’une chaîne de solidarité s’est mise en place : en interpellant un passant , Maxime a réussi à trouver un pneu (qu’on lui a donné en plus !).
De coups de fils en coups de fils, un jeune est venu nous porter la roue de son vélo pour qu’on prenne le pneu ! Enorme !
On se pose en terrasse pour un apéro bien mérité.
Bon, c’est pas tout mais le froid commence à s’installer et l’idée d’aller bivouaquer ne me séduit guère. J’aimerai passer une bonne nuit réparatrice car le lendemain je dois remonter sur Gérone en vélo et mine de rien, j’ai entre 450 et 500 kms de trajet !
J’arrive à convaincre Maxime de trouver une chambre pour passer la nuit.
Et là pareil, en demandant à droite à gauche, un jeune nous a loué un appart pour la nuit pour 20€.
Bon, c’était un peu miteux : limite propre, vieillot, mais douche chaude et deux grand lits. Il ne nous en fallait pas plus.
Une bonne nuit plus tard et nos chemins se séparent. Maxime continue sur le Gr7 et moi je rentre par la route direction Gérone.
La première partie est vallonnée et agréable et ensuite ça devient plat et urbanisé.
Le pire sera entre Castillo de la Plana et Tarragonne : une nationale droite et plate sur 200 kms avec des camions à foison. Pour ne pas payer l’autoroute, ils empruntent tous cette nationale.
Heureusement il fait bon, soleil et pas trop chaud, et surtout pour une fois, le léger vent m’est favorable ! Du coup je tourne à 30-32 en vitesse de croisière sans me mettre dans le rouge.
La route se transformant en autoroute, je longe la côte et ses stations balnéaires sordides (il n’y a pas d’autre mot malheureusement !). Ils ont même poussé le vice à en baptiser une Miami Platja !
Arrivé à Tarragonne, je me perd un peu dans la ville, et ma lumière arrière par la même occasion. Forcément au moment où une voiture arrive derrière, c’est pas drôle sinon ! A 5 cms près j’étais condamné à trouver un autre éclairage pour rentrer !
Il me reste encore 90 kms jusqu’à Barcelone et encore 90 kms pour rejoindre Gérone, il est 19h30, je pense que j’y serai dans la nuit (bien naïf que j’étais à ce moment !).
C’était sans compter sur mon GPS qui s’amuse à me faire passer par des chemins détournés !
Donc, 115 kms plus tard et un arrêt ravitaillement entre temps, j’arrive à Barcelone. J’ai essuyé deux trois averses entre Tarragonne et Barcelone, mais rien de bien méchant encore.
La fatigue aidant, j’avoue que j’ai hâte de rentrer et avant de repartir de la ville, je consulte quand même les horaires des trains pour Gérone. Il est une heure du matin et le premier train est à 07h00.
Autant y aller en vélo.
Après être sorti du labyrinthe barcelonais je pars vers le nord vers ma destination finale.
La pluie commence à faire son apparition et s’intensifie rapidement au point où je dois m’arrêter et m’abriter car il est impossible de rouler de nuit en toute sécurité dans ces conditions : la visibilité est nulle et les rues en pente se sont transformées en torrents.
J’attends une pseudo accalmie pour continuer ma route car je suis frigorifié lorsque je m’arrête.
La suite sera un calvaire : de la pluie continue jusqu’à Gérone. Je me perd en direction de l’autoroute et rebrousse chemin pour suivre les indications du GPS qui me fait passer carrément par des pistes ! Ben sûr boueuses, sinon c’est pas drôle !
Après donc quelques détours dus au fait que le seul moyen direct de rentrer sur Gérone est l’autoroute, j’arrive enfin à destination, heureux mais fatigué. Plus nerveusement que physiquement à cause des conditions météo très difficiles sur la fin.
Il est environ 07h00 et j’ai quand même 491 kms au compteur.
Pour conclure, j’aimerai remercier Maxime pour son invitation à le rejoindre sur un de ces trips. Seul j’aurai bâché à de nombreuses reprises (bon, il m’a avoué la même chose aussi !). Son sens de la débrouillardise m’a franchement impressionné.
Cette semaine restera mémorable à plusieurs titres : on est passé par moments magiques avec de belles rencontres improbables. On est aussi passé par des moments assez durs, moments de doutes pour ma part avec l’impression d’être sur le fil du rasoir.
Mais la beauté des paysages traversés a été le meilleur cadeau de cette semaine.
Un petit mot aussi au niveau du matériel qui a été soumis vraiment à rude épreuve en 5 jours.
Pour ce trip j’avais donc mon Litespeed T5, un gravel en titane assez léger équipé en Sram Red disque. Pour l’occasion je lui ai apposé une sacoche de selle étanche de 17l, une sacoche de top tube Zefal Z Console L et une mini sacoche fixée à l’arrière du tube supérieur (Zefal Z Console Light). Ma tente était fixée sur le guidon via deux sangles. J’avais en plus un sac à dos Camelback assez volumineux. Pour la navigation, deux GPS de chez Garmin : un Etrex 30 et un Edge 1030.
J’ai confié l’éclairage à K-Lamp avec le modèle 1600 EXR associé à deux batteries de 5200mAh et 3400mAh. Une seule a suffit finalement (et elle n’est pas vide). Pour l’arrière, un simple feu BBB accroché à la sacoche a très bien fait l’affaire.
Pour l’équipement du pilote, j’avais une veste de pluie Campagnolo, un cuissard court, des jambières Endura déperlantes, deux maillots manches longues, un bonnet pour mettre sous le casque. J’avais acheté des gants et des chaussettes étanches que je voulais tester.
Bilan :
En premier lieu, les gants et les chaussettes ne restent pas étanches très longtemps ! Au bout de quelques heures l’eau s’infiltre. Toutefois, les chaussettes sont plus efficaces que des sur chaussures sous lesquelles l’eau s’infiltre très vite.
En continuant sur le thème de l’étanchéité, je n’ai eu aucun soucis avec les GPS.
Les sacoches de top tube, bien que non étanches, ont bien protégé leur contenu (la Z Console L dispose d’une housse de pluie bien pratique).
La veste a tenu ses promesses en me laissant au sec (sauf les avants bras un peu plus exposés).
Le vélo a lui subit plus de dégâts : les plaquettes donc, mais aussi une pédale (bague), les disques, les roulements de direction, le boitier de pédalier, câble et gaine arrière, chaîne.
Mais dans l’ensemble, pour un vélo de moins de huit kilos (à vide !), il a prouvé sa solidité en charge.
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